Voix du Maghreb

Kamal Benkirane, Partie II : Qui Cherche Tes Larges Nuées

Aux mains qui tournent dans l?air
Aux pieds noyés dans le sommeil de la mer
Je te sens monter en moi
Avec tes mystères qui crèvent les yeux
Avec ta terre humide
Qui m?a appris le langage de tes oliviers et de tes rades
Je porte en toi
La main de l?enfant
Au trait du ciel
Enfoncé dans le sable
Et qui cherche en rêvant
Ta chaleur aux vents multiples
Je porte en toi l?enfant
Qui cherche tes larges nuées
Dans son plus profond sommeil

~ Kamal Benkirane du poème, « Mon grand pays »

Kamal Benkirane a commencé sa carrière littéraire dans sa ville natale, Casablanca, au Maroc, en écrivant pour des journaux, magazines locaux, et tout en enseignant là-bas. Il rejoint des sociétés littéraires et poétiques et gagne des prix littéraires en France. Il s’installe au Québec en 2001 pour étudier en Éducation à l’Université de Montréal. (Les ormes diaphanes), est son premier recueil de poèmes. Il a été publié en 2005 par la maison d?édition ( Fondation Fleur de Lys), au Québec. Il a beaucoup ?uvré pour la promotion littérature francophone du Maghreb en Amérique du Nord. Il publie en 2006, aux éditions L’Harmattan, de France son livre (Culture de la masculinité et décrochage scolaire des garçons au Québec), qui a été suivi en 2010 par un autre recueil de poésie (Dans la chair du cri), publié aux Éditions du Cygne, en France.

Kamal Benkirane a beaucoup oeuvré pour la promotion de la culture marocaine au Canada et pour la création de passerelles d?échanges en ce qui a trait à l?altérité et à l?interculturalité, et à la fusion entre la littérature et les technologies d?information.

Voici son blog : http://landalou.blogspot.ca

Y a-t-il des livres, des albums de musique ou des films qui vous ont profondément influencé?

Effectivement, il y en a beaucoup. Pour les livres, j?ai beaucoup lu les classiques, Baudelaire, Hugo, Lamartine, Musset, Verlaine, Maupassant, Gide, François Mauriac, André Maurois, Albert Cohen, Stendhal, etc. Il y a aussi la littérature russe que j?ai toujours dévorée avec beaucoup de passion : toutes les ?uvres de Dostoïevski et Tolstoï, et les contemporains tels qu?André Makine. Dans un premier temps, la lecture de toutes ces ?uvres, et particulièrement « Les fleurs du Mal », a donc déterminé cette vocation classique préliminaire dans mon écriture, qui s?est décalée avec le temps vers plus de poésie libérée, vers plus de contemporanéité. Il y a eu le cinéma, bien entendu ; l?universalité du cinéma m?a toujours subjugué, sans distinction de pays ou de continents. Il y a des metteurs en scène que j?ai toujours admirés tels que Costa Gavras ou encore Roman Polanski. Même dans la musique, je suis dans une démarche universelle ; j?écoute un peu de tout, sans restriction aucune. La grandeur d?un Serge Reggiani va de pair avec celle de la Diva de l?Orient, Oum Kalthoum. À ce propos, je mentionne aussi mon intérêt pour la culture et la littérature arabe, à travers ses grands piliers. Le grand poète Nizar Kabbani ainsi que le Perse Jalaleddine Rumi m?ont particulièrement marqué. La dimension soufie dans la littérature arabe, chez Rumi, est d?un mysticisme et d?une profondeur qui m?ont toujours subjugué.

Des croyances religieuses ou des idéologies politiques influencent-elles votre travail en aucune façon?

Je suis un arabo-musulman, originaire du Maroc, d?un patrimoine culturel très varié avec une présence majoritaire Amazigh. N?étant ni de gauche ni de droite, je ne prétends avoir aucune affiliation politique qui influe sur mon travail. J?écris pour moi, et partager mes créations avec le lecteur est un bonheur. L?environnement qui m?inspire émane de réalités désormais présentes dans tous les pays du monde ? dont, entre autres, le vivre ensemble, le combat pour la justice, la tolérance, la liberté le bonheur commun, etc. Je pense que le processus de l?écriture devrait d?abord être investi d?un vaste sentiment de liberté et donc d?une certaine indépendance, afin de permettre à la pensée de ne pas se stigmatiser. C?est un travail continu qui devrait avoir pour objectif non seulement d?explorer les tréfonds de l?âme humaine en se servant des mots, mais aussi de célébrer ouvertement notre propre humanité.

Vous considérez-vous partie d’une école spécifique de la poésie?

Je faisais partie bien avant de la tendance classique dans la poésie avec toutes ses règles prosodiques, mais bien plus tard, mes textes ont pris une tournure plus libérée, plus universelle dans les thématiques. Je ne suis pas très porté sur les écoles ou les courants littéraires, la liberté dans la créativité est une condition qui est garante de l?authenticité.

Je pense que la poésie a besoin de plus de liberté qui se compléterait avec les mots, non pas sur le fait que la poésie classique est contraignante avec ses règles, mais aussi que la contrainte est garante souvent de la rigueur et de l?excellence. Et sur l?art, je me rappelle toujours de cette citation d?André Gide : l?art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté. La poésie est généralement considérée du domaine des solitaires.